Trois écrans géants, un orchestre fort de soixante-dix musiciens, un chœur mixte et près de dix interprètes sur scène. VOICES music from FINAL FANTASY marque avec panache, le 18 février dernier, le retour du maestro Nobuo Uematsu dans son bastion natal. Suite à deux tournées successives pétillantes aux Etats-Unis, Dear Friends et More Friends, l’un des maîtres de la game music entend réaliser une performance inédite : celle d’offrir une seconde dimension aux chansons thèmes de la saga.
Honneur aux themes song…
C’est au Pacifico Yokohama que les festivités ont fait l’effet d’une étincelle. Les portes de ce complexe musical de grand standing se sont ouvertes à 18 heures pour accueillir quelque cinq mille spectateurs. Une foule colossale qui s’est installée dès 16 heures telle une fourmilière arpentant chaque pan de l’imposante infrastructure. Les tickets ayant tous été réservés entre quinze à trente jours après la mise en vente qui a débuté le 25 novembre dernier. Square Enix avait tout particulièrement soigné l’accueil en engageant une dizaine d’hôtesses offrant des fonds de potion Suntory, présentant les fonctionnalités du portail Square Enix Music, entre autres animations exclusivement dédiées à Final Fantasy XII. C’est après ce martelage marketing un brin déguisé et long de plus d’une heure que les visiteurs ont pu rejoindre leurs places pour un concert démarrant à 19 heures 25.
Entrée discrète pour le chef d’orchestre Arnie Roth. L’homme qui suit Nobuo Uematsu depuis sa tournée occidentale rejoint brièvement son perchoir et donne le la à l’indispensable Prelude. Le thème de la saga a subit un arrangement inédit proche de la composition de Hitoshi Sakimoto et qui s’appuie sur le souffle d’un chœur formé par vingt-six membres. C’est Arnie Roth qui en a eu l’initiative. On ne peut que louer son courage même si force est de constater que son morceau dégringole quand il prend des allures de Bombing Mission, une des musiques phares de FFVII qui a été employée à mainte reprises en guise d’ouverture d’un concert. On perd nos repères. D’autant plus qu’elle contraste avec la piste suivante, Liberi Fatali. La theme song de Final Fantasy VIII, avec Eyes on Me, brise la quiétude de l’harpe de Prelude pour installer une atmosphère plus oppressante. On est estomaqué devant tant de naturel : un résultat qui repose sur le doigté de soixante-dix musiciens. Balayé le temps où la game music s’appréciait uniquement dans une cage agrémentée d’une lucarne d’une trentaine de centimètres. Cette branche de la musique se forge une réelle prestance, particulièrement grâce à ce morceau qui propulsa les ventes de la bande originale à la première place des charts japonais pendant des mois. On regrettera seulement le rendu plus académique dû à la formation classique du chef d’orchestre qui peine à mettre en relief la force du piano et les couleurs des trompettes.
De même, on peut déplorer certaines des modifications apportées à Fisherman’s Horizon (FFVIII). Si celle-ci gagne en fluidité grâce à l’orchestre et s’avère plus lunaire, elle se défausse en dessinant un horizon idyllique à ce pêcheur au regard perdu. Aussi elle ne trouve pas sa place dans la playlist, surtout que Eyes on Me ne suivra pas, à notre grand regret.
Entre temps, Nobuo Uematsu et Katayama Rieko (responsable des relations publiques à Square Enix) entrent sur scène pour une première MC. Celle-ci porte sur la provenance du public. A son grand bonheur, Uematsu-san découvre qu’une londonienne a fait le déplacement.
S’ensuit Song of Prayer, un des morceaux emblématiques de Final Fantasy X. Le chœur l’interprète avec beaucoup de professionnalisme et perd en même temps un iota d’exotisme. Rien de grave, loin de là. Puis Rikki emboîte le pas aux autres chanteuses avec Suteki da ne. En kimono traditionnel noir (clin d’œil au jeu) et les yeux fermés, elle offre une performance louable du plus bel acabit. Les amateurs de voix perchées et plutôt difficiles à saisir apprécieront alors que les mauvaises langues s’acharneront sur les détails : Rikki partage insuffisamment avec le public, de même que certaines tournures s’avèrent un brin saccadées.
La MC 2 arrive bien vite. Elle s’attarde cette fois-ci aux puits d’inspirations de Nobuo Uematsu et de l’équipe de développement dans son ensemble dans lesquels ils ont puisés. Quelques notes ont alors été délivrés au sujet de Okinawa, île paysanne au sud de l’archipel nippon. Uematsu-san a aussi présenté l’orchestre et a ouvert un dialogue avec son ami Arnie Roth. Ce fut également l’occasion de nous faire grincer des dents à cause d’annonces publicitaires introduites à la qui pourra où Uematsu extrait de sa manche, par exemple, l’album More Friends. On le sait, c’est un passage imposé par Square Enix. Mais mon dieu que c’est gauche.
… pour un concert prestigieux
Plus pétillant, un quintet survitaminé a interprété à la bouche plusieurs des thèmes récurrents des cinq premiers volets de la saga tels que le Moogle theme (FFV), Troian Beauty (FFIV) ou encore Village (FFII). Grâce à leur maîtrise de la beatbox, ils ont redonné vie à leur manière à des reliques qui ont forgé toutefois la solidité des morceaux suivants de Uematsu. Un vrai régal qui étonna et divertit le public. Surtout que ce fut l’occasion de placer la boisson Potion. Le groupe a retrouvé alors tout son panache et a enchaîné avec le battle theme de FF1 puis par la Victory Fanfare.
Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est ce medley qui emboîta le pas à Melodies of Life, la chanson thème de Final Fantasy IX. Emiko Shiratori, une amie proche de Nobuo Uematsu, entre alors sur scène et signe une performance pleine de charme en mêlant les versions japonaises et anglaises.
Une nouvelle MC s’ouvre sur Final Fantasy IX avant de laisser place au thème de Final Fantasy, celui enregistré après le Prelude, pour boucler la boucle. Il est l’heure de l’entracte : 20 minutes de pause.
Au retour, Uematsu-san a décidé de renouer avec Final Fantasy IX en incluant Prima Vista Band à la playlist. Sans faire de casse. Puis c’est au tour de Promised Land (FFVII AC) d’être joué. C’est un choix délicat mais justifié pour introduire Distant Worlds, la chanson thème du disque d’extension Chains of Promathia (FFXI). On découvre alors pour la première fois sur scène Izumi Masuda, une interprète au style opéra proche de Yumiko Yamamoto (Shenmue). A découvrir et à faire connaître ; c’est du moins le message que veut donner Nobuo Uematsu en parlant brièvement de ses origines et de son œuvre dans une quatrième MC. Puis…
Le hic de la soirée. Angela Aki monte sur scène pour interpréter Eyes on Me, la chanson thème de Final Fantasy VIII et accessoirement le plus beau spécimen de la saga. Pourquoi Faye Wong s’est désistée ? C’est un vrai coup de poignard ! Toutes les interprètes ont eu leurs minutes de gloire, pourquoi pas elle. On ne le saura probablement jamais même si on s’en doutait. Pourquoi Angela Aki rendrait hommage à sa cadette pendant que Uematu-san échafaude la playlist du concert sinon ? Faye Wong a probablement eu un empêchement et l’a signalé un ou deux mois à l’avance. Bref, tournons la page. C’est une Angela Aki plus sereine que jamais à qui nous avons affaire. Celle-ci jouit d’une réelle prestance scénique mais son interprétation plus musclée et plus brute de pomme a faillit (voir notre article). La jeune diva se rattrape néanmoins avec sa propre chanson (elle en est l’auteur et interprète du moins) : Kiss me Good-Bye, la chanson thème de Final Fantasy XII. Elle délivre une interprétation chiadée qui plus est accompagnée par un lourd orchestre. Elle aussi joue la carte de la mixité en passant de l’anglais au japonais sans crainte.
Enfin, la cinquième et dernière MC présente toute l’équipe organisatrice de ce concert. On passe sans plus attendre à l’un des morceaux phares de ce concert : Aria di Mezzo Carattere, c´est-à-dire la scène de l’opéra de Final Fantasy où Maria et Draco crient leur amour respectif. Une perle rare qui prend toute son ampleur sur scène avec principalement la chanteuse d’opéra Svetla Krasteva. C’est loin d’être la première fois que ce morceau est joué mais c’est à chaque fois un bonheur entier.
Brève pause avant la dernière ligne droite. Arnie Roth nous fait un plaisir tout particulier en commandant à son orchestre le cultisime Swing de Chocobo (FFX). C’est même lui qui a tenu à lui donner un arrangement typé. Encore une fois, on ne peut qu’applaudir sa générosité. Roth aime la musique de Final Fantasy, cela se lit sur son visage radieux en plein One-Winged Angel et surtout cela s’entend. Puisque oui, c’est One-Winged Angel, version Final Fantasy VII Advent Children, qui emboîte le pas. The Black Mages entrent alors sur scène et mettent littéralement le feu. Le public réagit au quart de tour. La troupe de Uematsu-san abandonne les formations classiques utilisées jusqu’ici pour faire place au clavier, à la guitare électrique ou encore la basse. Là encore, le guitariste Michio Okamiya étonne en assurant un solo dantesque et en passant même dans les rangs avec son instrument. Le public les a reçu dans un tonnerre d’innovation, ils repartiront ainsi… pour revenir sur scène et interpréter une seconde fois la chanson probablement la plus appréciée par les fans de par le globe. Le concert s’achève alors sur une note très positive.
VOICES music from FINAL FANTASY a délivré sans surprise les pistes phares de la saga un iota arrangé pour coller avec l’orchestre. Mais c’est aussi et surtout les theme song de renom qui jouissent d’une prestance inédite. Un concert comme on en a jamais vu chez Square Enix. Croisons les doigts pour qu’une tournée soit décidée en Europe. Avec Faye Wong, qui sait.
Sujet: VOICES